Opter pour la rupture conventionnelle
#CampusManagementVétérinaire
La rupture conventionnelle est au travail ce que le divorce par consentement mutuel est au couple. Mais bien souvent, on présente les avantages de cette option uniquement pour le salarié alors qu’elle peut présenter un intérêt également pour l’employeur, notamment lorsqu’il s’agit de trouver une issue à l’amiable dans un contexte relationnel compliqué.
Une grande démission vétérinaire ?
La crise Covid a engendré une grande réflexion sur l’expérience au travail et une volonté de réorganisation sans précédent. Le rapport au travail s’en est trouvé bouleversé : rejet des contraintes, recherche d’une qualité de vie professionnelle, quête de sens exacerbée, meilleur équilibre pro-perso etc.
Pour parler du phénomène de la “Grande Démission”, on cite souvent les États-Unis, qui ont vu à l’été 2021 le départ de 4,3 millions de salariés [1]. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #quitmyjob a des millions de vues… Une viralité qui interroge : cette vague de démission a-t-elle un rapport avec ce que nous connaissons en France et plus spécifiquement dans la profession vétérinaire ?
En réalité, les spécialistes de la question sont assez d’accord : la France ne connaît pas de « grande démission » post-covid [2], et ce même si le secteur vétérinaires (comme d’autres) affiche des difficultés croissantes à recruter. En effet, ces difficultés étaient déjà présentes depuis plusieurs années même si elles se sont accrues avec la crise sanitaire pour atteindre un différentiel de 44% entre l’offre et la demande sur l’année 2021[3]. C’est dans ce contexte incertain et tendu que la rupture conventionnelle peut s’avérer être un bon moyen de mettre fin à un contrat en CDI.
Quels avantages pour l’employeur ?
Apparue en 2008 dans le Code du travail (Articles L1237-11 à L1237-16), cette procédure, unique en son genre, permet de mettre fin à un CDI en trouvant un terrain d’entente entre l’employeur et son salarié. En effet, quelle que soit la partie initiant la démarche, le but est de convenir ensemble des conditions de rupture du contrat de travail. Dans un contexte de tension entre employeur et salarié, la rupture conventionnelle est donc synonyme de liberté, de consensus et de protection pour les deux parties.
Côté employeur, elle présente les avantages suivants :
- Son initiative peut provenir aussi bien de l’employeur que du salarié et si elle provient du salarié, l’employeur est libre d’accepter ou de refuser ;
- Elle permet d’éviter un contentieux en choisissant la voie de la négociation plutôt que celle du licenciement ;
- Elle est rapide et facile à mettre en œuvre (peu d’administratif) ;
- Le motif de la rupture n’a pas à être connu et limite donc les effets délétères sur la marque employeur ;
- Elle présente une certaine souplesse du délai avant le départ effectif ;
- Elle offre des garanties en cas de contentieux, ce qui confère une sécurité juridique pour l’employeur (le contentieux en la matière étant quasiment nul) car :
- Le délai de prescription est d’un an seulement (article L. 1237-14 du Code du travail) : il faut donc saisir le conseil des prud’hommes bien plus rapidement que dans le cadre d’une procédure de licenciement ordinaire.
- Une remise en cause d’une rupture conventionnelle sera plus difficilement à mettre en œuvre dès lors que le salarié l’a signé.
Si un climat conflictuel au travail est la cause la plus courante de rupture conventionnelle, il existe également des cas où le contexte est tout à fait différent : réorganisation de la structure, encouragement du salarié à une création d’entreprise etc.
Faire sa demande au salarié
La première étape est de présenter sa demande au salarié. Cette étape n’est pas réglementée mais il est judicieux de formaliser les choses, en organisant un entretien par exemple. L’objectif pour vous est alors de présenter les choses d’une manière objective au salarié et de lui montrer en quoi cette rupture à l’amiable serait profitable pour lui aussi. Par exemple en lui expliquant :
- Que l’objectif est d’offrir une porte de sortie pacifique, construite sur le compromis pour désamorcer une situation conflictuelle ;
- Qu’il touchera une « indemnité spécifique de rupture conventionnelle »
- Que la rupture conventionnelle ouvre les droits au chômage, si le salarié remplit les conditions d’attribution.
Recevoir la demande d’un salarié
Si, en tant qu’employeur, vous êtes celui à qui l’on suggère cette rupture, prenez le temps d’échanger avec votre salarié afin de bien comprendre sa démarche et éclairez-le sur les modalités, pour être sûr de recueillir son « consentement éclairé ». Demandez-lui également de formaliser sa demande par écrit (Lettre RAR ou remise en main propre).
Par ailleurs, si cette demande vous surprend ou si vous la trouvez injuste ou même vexante, prenez le temps de réfléchir : pourquoi en êtes-vous là ? Quelles sont les raisons invoquées par l’autre partie ? Qu’auriez-vous fait à sa place ? Avez-vous intérêt à « forcer » la poursuite d’une collaboration contre la volonté de « l’autre », ce qui risque de nuire à son engagement et à sa motivation ?
Quelle procédure pour une rupture conventionnelle ?
La procédure de rupture conventionnelle est réglementée et se doit de respecter un cadre strict afin d’être légalement valable. Deux éléments incontournables sont à respecter sous peine de nullité de la démarche : l’entretien de négociation entre les parties et l’homologation de la convention de rupture.
L’entretien de négociation représente donc la première étape officielle et indispensable de la démarche : l’objectif est de définir ensemble les conditions de la rupture du contrat : date de départ effectif, préavis à effectuer ou non, montant de « l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle » qui sera versée au salarié.
Une fois les négociations abouties, une convention de rupture devra être établie et signée en trois exemplaires par les deux parties, le dernier étant destiné au directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, en vue de la demande d’homologation, qui doit obligatoirement être effectuée à partir du site « TéléRC ». L’autorité administrative dispose alors d’un délai de 15 jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour homologuer la convention.
En 2019, ce sont environ 444 000 ruptures conventionnelles qui ont été signées en France [5]. Ce chiffre, qui a doublé en moins de 10 ans, est révélateur de l’engouement pour cette solution efficace de rupture de contrat à l’amiable.
Marina Slove
📚 Sources
[1] Chiffres du département du Travail américain : https://www.bls.gov/news.release/jolts.t04.htm
[2] S. FAY, « La « grande démission » post-Covid ? Partout, mais pas en France », Podcast Histoires économiques de France Inter, novembre 2021. Disponible sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-economiques/histoires-economiques-du-jeudi-25-novembre-2021-6273115 [Dernière consultation le : 22 novembre 2022].
[3] M. SLOVE, « Le marché de l’emploi véto en 2021 », Disponible sur : https://temavet.fr/presse-veterinaire/le-marche-de-lemploi-veto-en-2021-703487.php [Dernière consultation le : 22 novembre 2022].
[4] M. HOORNAERT, « Rupture conventionnelle : l’option idéale pour rompre un CDI ?», Disponible sur : https://www.temavet.fr/presse-veterinaire/rupture-conventionnelle-loption-ideale-pour-rompre-un-cdi-703462.php [Dernière consultation le : 22 novembre 2022].
[5] Chiffres 2019 de la DARES (le service d’études et de statistiques du ministère du Travail)
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